Saisie d’une requête dirigée contre la République tchèque, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 27 janvier dernier, l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au principe de légalité de la peine (Rohlena c. République tchèque, requête n°59552/08). Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant tchèque, a été accusé d’avoir maltraité son épouse et ses enfants entre 2000 et 2006. Selon le procureur, les actes du requérant devaient être qualifiés de « maltraitance sur personne vivant sous le même toit », infraction pénale introduite dans le code pénal tchèque en 2004, et les actes antérieurs à cette date de « violences contre un individu ou un groupe d’individus » et de « coups et blessures ». En 2007, les juridictions nationales ont condamné le requérant pour « maltraitance sur personne vivant sous le même toit » pour les faits commis dans l’intégralité de la période de 6 ans. Celles-ci ont considéré que lorsqu’il y avait continuation de l’infraction pénale, la qualification pénale devait s’apprécier à l’aune de la loi en vigueur à la date de la dernière des manifestations de l’infraction, à condition que les actes commis avant son entrée en vigueur soient pénalement réprimés par la loi antérieure. Invoquant l’article 7 de la Convention, le requérant se plaignait d’une application rétroactive du code pénal qui a eu pour conséquence un alourdissement de sa peine. La Cour rappelle, tout d’abord, qu’elle n’a pas à se prononcer sur la responsabilité pénale du requérant, mais doit seulement rechercher si les agissements de celui-ci étaient constitutifs d’une infraction définie de manière suffisamment prévisible par le droit interne. Elle note que la notion de « continuation de l’infraction pénale » a été introduite dans le code pénal tchèque en 1994, soit avant le premier fait d’agression du requérant. La Cour considère que, conformément à cette notion, dès lors que les agissements du requérant antérieurs à 2004 s’analysaient en des infractions pénales punissables par le droit en vigueur et qu’ils réunissaient les éléments constitutifs de l’infraction introduite en 2004, le fait pour les juridictions internes de déclarer le requérant coupable sur la base de cette dernière disposition en raison, également, de faits antérieurs, ne constitue pas une application rétroactive de la loi. Elle estime que les règles nationales sont suffisamment claires et prévisibles pour que le requérant ait été à même de prévoir que sa responsabilité pénale pouvait être engagée pour une infraction continue. Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 7 de la Convention. (MG)