Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays-Bas), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 22 janvier dernier, l’article 4 de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, lequel est relatif au droit exclusif des auteurs d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles-ci (Art & Allposters International, aff. C-419/13). Dans le litige au principal, une société commercialisait sur Internet des reproductions d’œuvres sous la forme d’affiches et sous une autre forme dénommée « transfert sur toile », opération réalisée par ses soins. La société requérante, mandatée pour exploiter les droits d’auteur au nom de leurs titulaires, notamment en agissant contre les violations de ces droits, s’est opposée à la vente desdites œuvres protégées transférées sur toile et a demandé à la société poursuivie de cesser cette activité, ce qu’elle a refusé. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si le droit de distribution exclusif prévu à l’article 4 §2 de la directive permet au titulaire du droit d’auteur d’une œuvre picturale ayant consenti à sa commercialisation sous forme d’affiche, de s’opposer à sa commercialisation sous une nouvelle forme, telle que le transfert sur toile. La Cour relève, tout d’abord, que les auteurs d’œuvres artistiques jouissent du droit exclusif d’autoriser la mise à la disposition du public de l’original et d’exemplaires de leurs œuvres par la vente. Elle considère, ensuite, que l’épuisement du droit de distribution s’applique à l’objet tangible dans lequel une œuvre protégée ou sa copie est incorporée si celui-ci a été mis sur le marché avec le consentement du titulaire du droit d’auteur. La Cour estime, en outre, qu’un remplacement du support a pour conséquence de créer un nouvel objet incorporant l’image de l’œuvre protégée, si bien que l’autorisation de l’auteur est nécessaire pour pouvoir en assurer la distribution. En effet, elle précise que le consentement des titulaires de droits ne portait pas sur la distribution des affiches modifiées par ledit procédé après leur première commercialisation. Partant, elle conclut que le droit de l’Union permet au titulaire du droit d’auteur d’une œuvre picturale ayant consenti à sa commercialisation sous forme d’affiche de s’opposer à sa commercialisation sous une nouvelle forme, en l’espèce par transfert sur toile, le droit de la distribution n’étant pas épuisé par l’effet de ce changement de support. (ES)