Saisie d’une requête dirigée contre la Croatie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 15 janvier dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Dragojević c. Croatie, requête n°68955/11 – disponible uniquement en anglais). Dans l’affaire au principal, le requérant, ressortissant croate, était suspecté d’être impliqué dans un réseau de trafic de drogues entre l’Amérique latine et l’Europe. Le juge d’instruction chargé de l’enquête a autorisé des mesures d’écoutes sur le téléphone portable du requérant en mars 2007, qui ont été renouvelées plusieurs fois jusqu’à son arrestation en janvier 2009. Le requérant a été condamné sur la base de ces écoutes et d’autres preuves résultant de perquisitions et de témoignages. Invoquant l’article 8 de la Convention, le requérant alléguait que le juge d’instruction n’avait pas suffisamment motivé sa décision autorisant les mesures d’écoutes téléphoniques car il n’avait pas suffisamment justifié la nécessité de la mesure, rendant les preuves obtenues par ce moyen inadmissibles lors de son procès. La Cour rappelle, tout d’abord, que les écoutes téléphoniques constituent une ingérence au droit au respect de la vie privée du requérant. Elle considère que les décisions autorisant les mesures d’écoutes téléphoniques ne décrivaient pas les raisons pour lesquelles d’autres mesures moins intrusives avaient été écartées par le juge d’instruction. La Cour relève, cependant, que les mesures autorisées en l’espèce étaient contraires à la loi nationale, qui prévoit expressément une obligation de motivation détaillée pour autoriser des mesures de surveillance, malgré la validation par la Cour suprême de Croatie. Elle souligne, ensuite, que les juridictions nationales ont seulement examiné la recevabilité des preuves obtenues par les mesures d’écoutes sans rechercher si celles-ci étaient constitutives d’une violation de la vie privée du requérant. La Cour considère, dès lors, que la loi nationale, telle qu’interprétée par les juridictions nationales, ne fournissait pas de garanties suffisamment claires quant à l’utilisation de mesures d’écoutes téléphoniques par des autorités d’enquête permettant de limiter leur utilisation. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 8 de la Convention. (MG)