Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 15 janvier dernier, l’article 1 du Protocole n°1 pris isolément ainsi que combiné avec l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, à la protection de la propriété et à l’interdiction de discrimination (Arnaud e.a. c. France, requête n°36918/11). Les requérants sont 8 ressortissants français résidant à Monaco. En vertu de la convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963, les requérants, 8 ressortissants français résidant à Monaco, étaient assujettis à l’impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que les Français résidant ou domiciliés en France. Cette convention a été modifiée par un avenant du 26 mai 2003, prévoyant l’assujettissement des Français domiciliés ou résidant à Monaco à compter du 1er janvier 1989 à l’impôt sur la fortune (« ISF »). Une lettre a été envoyée aux contribuables concernés, leur indiquant qu’il était préférable qu’ils s’acquittent de l’impôt dès 2002. Après s’être acquittés spontanément de cette imposition entre 2002, date de l’entrée en vigueur de l’avenant, et 2005, date de sa publication au Journal officiel, les requérants ont contesté cette mesure ainsi que son effet rétroactif devant les juridictions, lesquelles ont refusé la restitution des sommes payées par les requérants au titre de l’ISF. S’agissant, tout d’abord, de l’effet rétroactif de la mesure, la Cour relève que l’imposition litigieuse s’inscrit dans l’importante marge d’appréciation dont dispose l’Etat en matière fiscale et que l’application rétroactive d’une loi fiscale ne saurait être considérée comme arbitraire per se. La Cour indique, ensuite, que la rétroactivité de la mesure ne présente aucun caractère exceptionnel du point de vue du droit fiscal dans la mesure où l’autorisation législative pour l’approbation de l’avenant est intervenue en cours d’exercice. Elle précise, également, que l’administration a fourni aux contribuables une information préalable leur permettant d’anticiper les effets de la mesure, et que des facilités de paiement ainsi que l’absence de pénalité pour la période antérieure à l’avenant permettaient d’atténuer l’importance de l’impôt. S’agissant, ensuite, du principe d’interdiction de discrimination, les requérants soutenaient que leur assujettissement à l’ISF a constitué une discrimination illicite en raison, notamment, du fait que les Français résidant dans d’autres Etats étrangers ne sont assujettis à cet impôt qu’à concurrence de leurs biens situés en France et en sont exonérés pour leurs placements financiers effectués dans le pays de résidence. La Cour considère que l’avenant et la loi du 14 mars 2005 s’appliquent de manière uniforme aux personnes clairement identifiées par ces textes et placées dans une situation analogue. A cet égard, elle estime que les Français de l’étranger ne forment pas une catégorie uniforme dont les membres se trouvent dans une situation analogue et qu’il convient d’opérer une distinction selon le pays où ils ont élu domicile. La Cour conclut à la non-violation de l’article 1 du Protocole n°1 pris isolément et de cette disposition combinée avec l’article 14 de la Convention. (DH)