Saisie d’une demande d’avis portant sur la compatibilité avec les traités du projet révisé d’accord portant adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droit de l’homme, l’Assemblée plénière de la Cour de justice de l’Union européenne a, le 18 décembre dernier, conclu que, eu égard aux problèmes identifiés, le projet d’accord sur l’adhésion de l’Union à la Convention n’était pas compatible avec les dispositions du droit de l’Union. (Avis C-2/13). La Commission européenne avait formulé une demande d’avis portant sur la compatibilité de plusieurs dispositions du projet d’accord et, notamment, sur la préservation des caractéristiques spécifiques de l’Union, sur le respect du principe de l’attribution des compétences de l’Union et sur le mécanisme du codéfendeur permettant à l’Union et à ses Etats membres de devenir codéfendeurs dans le cas d’une allégation d’une violation mettant en cause la compatibilité d’une disposition du droit de l’Union avec la Convention. La Cour rappelle, tout d’abord, que les caractéristiques spécifiques du droit de l’Union doivent être préservées en vertu de l’article 6 §2 TUE et rappelle les principes fondamentaux de la structure constitutionnelle de l’Union et, en particulier, l’autonomie du droit de l’Union. Elle admet que les institutions de l’Union puissent être soumises à un mécanisme de contrôle prévu par le droit international et constate qu’il est inhérent à la notion même de « contrôle externe » que, d’une part, l’interprétation de la Convention fournie par la Cour EDH lierait l’Union et toutes ses institutions et que, d’autre part, l’interprétation donnée par la Cour d’un droit reconnu par la Convention ne lierait pas la Cour EDH. Toutefois, elle précise que cela ne peut en être ainsi en ce qui concerne l’interprétation que la Cour elle-même fournit du droit de l’Union et, notamment, de la Charte. A cet égard, la Cour souligne que, dans la mesure où la Convention accorde aux Parties contractantes la faculté de prévoir des standards de protection plus élevés que ceux garantis par la Convention, il convient d’assurer une coordination entre la Convention et la Charte. Or, la Cour relève qu’il n’existe aucune disposition coordonnant les articles 53 de la Charte et de la Convention portant tous deux sur les standards de protection plus élevés. Elle considère, ensuite, que l’approche retenue dans le cadre de l’accord envisagé assimilant l’Union à toute autre Partie contractante méconnaît la nature intrinsèque de l’Union. En effet, elle souligne que celle-ci est fondée sur le principe de confiance mutuelle entre ses Etats membres. Elle estime que le mécanisme envisagé exigerait d’un Etat membre la vérification du respect des droits fondamentaux par un autre Etat membre, ce qui est contraire au principe de confiance mutuelle. Par ailleurs, la Cour affirme que les demandes d’avis consultatifs prévues par le Protocole n°16 de la Convention créent un risque de contournement de la procédure de renvoi préjudiciel. Elle considère, de plus, que l’article 33 de la Convention permettant aux Etats parties de former un recours devant la Cour EDH contre d’autres Etats parties constitue une violation de l’article 344 TFUE relatif à la compétence exclusive de la Cour en matière de différents entre Etats membres portant sur l’interprétation des traités. S’agissant du mécanisme du codéfendeur, elle constate que la possibilité laissée à la Cour EDH de statuer sur une demande d’intervention en tant que codéfendeur ainsi que le mécanisme de répartition de la responsabilité entre l’Union et ses Etats membres constituent un contrôle susceptible d’interférer avec les règles de répartition des compétences au sein de l’Union et remettent en cause le principe d’autonomie du droit de l’Union et la compétence exclusive de la Cour. La Cour affirme, enfin, que le projet d’adhésion a pour conséquence de confier le contrôle des actes de l’Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune à la Cour EDH, alors même que la Cour n’a qu’une compétence partielle dans ce domaine. Partant, la Cour conclut, eu égard aux problèmes identifiés, que le projet d’accord portant adhésion de l’Union à la Convention n’est pas compatible au droit de l’Union. En vertu de l’article 218 §11 TFUE, en cas d’avis négatif de la Cour, l’accord ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités. (JL)