Saisie d’une requête dirigée contre la Belgique, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 16 décembre dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Chbihi Loudoudi e.a. c. Belgique, requête n°52265/10). Les requérants sont un couple marié de ressortissants belges et leur nièce, une ressortissante marocaine. Les parents biologiques de cette dernière avaient donné au couple de requérants leur consentement à une kafala, qui est, en droit marocain, l’engagement bénévole de prendre en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un mineur. Cette kafala a été constatée et homologuée par un juge marocain et, par la suite, un acte d’adoption simple a été dressé en Belgique par un notaire. Les juridictions belges saisies ont, ensuite, refusé d’homologuer cet acte considérant, notamment, que l’adoption sollicitée créait un lien de filiation qui était absent de la kafala et, par conséquent, un statut juridique nouveau. La Cour relève que, pour rejeter les demandes en prononciation d’adoption, les juridictions belges ont jugé que les conditions prévues par le droit interne pour autoriser l’adoption d’un enfant dont la loi nationale ne connaît pas l’adoption n’étaient pas remplies en l’espèce. Elle précise qu’il ne lui appartient pas de remettre en cause cette interprétation. En revanche, la Cour indique qu’elle doit vérifier la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, en tant que composante du respect de la vie familiale. A cet égard, elle constate que les normes que les juridictions belges ont appliquées, pour refuser l’adoption, trouvent leur origine dans une loi destinée à mettre en œuvre l’objectif poursuivi par la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, lequel est d’assurer que les adoptions internationales aient lieu dans l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour souligne que les autorités belges pouvaient estimer que l’intérêt de l’enfant exigeait qu’il n’ait qu’une et même filiation, aussi bien en Belgique qu’au Maroc. En outre, le refus d’adoption ne prive pas les requérants de toute reconnaissance du lien qui les unissait, le droit belge offrant la possibilité d’accorder une protection juridique à la vie familiale des requérants par la procédure de tutelle officieuse. Enfin, la Cour relève que la troisième requérante bénéficie d’un lien de filiation avec ses parents biologiques et ne s’est plaint ni devant les autorités belges ni devant la Cour des conséquences qui résulteraient de l’absence de reconnaissance en Belgique d’un lien de filiation avec le couple de requérants. La Cour indique, dès lors, qu’il n’y a pas eu manquement au respect du droit des requérants à leur vie familiale, ni au droit de la troisième requérante au respect de sa vie privée et, partant, conclut à la non-violation de l’article 8 de la Convention. (MF)