Saisie de requêtes dirigées contre le Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 16 décembre dernier, les articles 6 §1 et 6 §3, sous c), de la Convention européenne des droits de l’homme, relatifs, respectivement, au droit à un procès équitable et au droit à l’assistance d’un défenseur (Ibrahim e.a. c. Royaume-Uni, requêtes n° 50541/08, 50571/08, 50573/08 et 40351/09 – disponible uniquement en anglais). Les requérants, de nationalité somalienne et britannique, ont été poursuivis et condamnés pour complot d’assassinat et complicité et non communication d’informations à la suite d’une tentative d’attentat dans le réseau de transport public de Londres. Lors de leur arrestation, 3 des requérants n’ont pas eu le droit d’être assisté par un avocat lors des « interrogatoires de sécurité » en application du régime spécial sur le terrorisme. Le dernier requérant a été interrogé par la police en qualité de témoin. Après s’être auto-incriminé, la police ne l’a pas arrêté, ne lui a pas notifié le droit d’être assisté par un avocat ni son droit de garder le silence. Les requérants alléguaient une violation de l’article 6 §3 de la Convention, n’ayant pas eu accès à un avocat lors de leur interrogatoire initial, et une violation de l’article 6 §1 de la Convention du fait de l’admission de leurs déclarations effectuées dans ce contexte. S’agissant du droit d’accès à un avocat, la Cour rappelle, tout d’abord, que ce dernier peut être restreint pour des raisons impérieuses. Elle note qu’il existait, au moment de l’interrogatoire, une menace exceptionnellement grave et que la nécessité de recueillir des informations de la plus haute importance pour la sécurité publique justifiait de retarder l’accès des requérants à un avocat. Partant, elle conclut à la non violation de l’article 6 §3 de la Convention. Concernant l’admission des preuves recueillies lors de ces interrogatoires, la Cour rappelle que le principe d’équité peut imposer d’écarter des débats les déclarations faites lors d’un interrogatoire sans présence de l’avocat. Elle note qu’il existe un cadre législatif ménageant un juste équilibre entre les droits des personnes arrêtées et les besoins impérieux et constate que, en l’espèce, la loi a été rigoureusement respectée. La Cour relève, par ailleurs, que lors de la procédure, les requérants ont eu la possibilité de contester l’admission et l’utilisation des déclarations et souligne que ces déclarations ne constituaient qu’un élément de preuve parmi de nombreux autres. S’agissant en particulier du complice, la Cour note que le cadre législatif a été respecté, qu’il n’a pas été contraint de s’incriminer et qu’il ne s’est pas rétracté après avoir bénéficié d’une assistance juridique. La Cour conclut donc à la non-violation de l’article 6 §1 de la Convention. (JL)