Saisie d’une requête dirigée contre la Suisse, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 30 septembre dernier, l’article 35 §3 et §4 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif aux conditions de recevabilité d’une requête individuelle (Gross c. Suisse, requête n°67810/10). La requérante, une ressortissante suisse qui souhaitait mettre fin à ses jours, se plaignait de s’être vu refuser l’autorisation de se procurer une dose létale de médicament car elle ne répondait pas aux conditions énoncées dans les directives médico-éthiques concernant les soins des patients en fin de vie. Par un arrêt de chambre du 14 mai 2013, la Cour avait conclu que cette situation constituait une violation de l’article 8 de la Convention relatif au droit au respect de la vie privée et familiale, en raison d’un manque de définition claire dans la législation suisse des conditions dans lesquelles le suicide assisté était autorisé (cf. L’Europe en Bref n°672). A la demande du gouvernement suisse, l’affaire a, ensuite, été renvoyée devant la Grande Chambre. Parallèlement à la première procédure devant la Cour, la requérante a obtenu en 2011 une dose létale de médicament et a mis fin à ses jours, sans en informer préalablement son avocat et la Cour. Cette dernière a pris connaissance du décès le 7 janvier 2014, à la suite de recherches du gouvernement suisse dans le cadre de l’élaboration de ses observations à la Grande Chambre. Le gouvernement a, dès lors, demandé à la Cour de déclarer la requête irrecevable pour abus du droit de recours individuel. Bien qu’elle estime qu’il incombe au représentant du requérant de ne pas lui présenter des observations trompeuses et de la tenir informée de tout fait pertinent, la Cour considère que, dans le cas d’espèce, la requérante avait entrepris toutes les précautions, y compris à l’encontre de son avocat, afin d’éviter que son décès ne soit découvert. Elle précise, ensuite, que le décès de la requérante et les circonstances qui l’ont entouré touchent au cœur même du grief de violation de l’article 8 de la Convention et qu’il est inutile de vérifier si la connaissance de ces informations aurait pu exercer une influence sur l’arrêt rendu par la Cour. Elle considère, cependant, qu’en ayant délibérément omis de révéler les informations pertinentes à son avocat, la requérante avait entendu induire la Cour en erreur concernant une question portant sur la substance même de sa requête. Partant, la Cour déclare la requête irrecevable sur le fondement de l’article 35 §3 et §4 de la Convention. (LG)