Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Consiglio Nazionale Forense (Italie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 17 juillet dernier, l’article 3 de la directive 98/5/CE visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise, qui porte sur l’inscription auprès des autorités compétentes de l’Etat membre d’accueil (Torresi, aff. jointes C-58/13 et C-59/13). Le litige au principal opposait les requérants, 2 citoyens italiens, au Conseil de l’Ordre d’un Barreau italien, au sujet du refus de ce dernier de faire droit à leur demande d’inscription à la section spéciale du tableau des avocats, qui regroupe les avocats titulaires d’un titre délivré dans un Etat membre autre que l’Italie, mais établis dans ce pays. En l’espèce, après avoir obtenu leur diplôme universitaire de droit en Italie, les requérants ont chacun obtenu un diplôme universitaire en droit en Espagne et ont été inscrits en tant qu’avocat au tableau d’un Barreau espagnol. La juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que les autorités compétentes d’un Etat membre refusent, en invoquant un abus de droit, l’inscription au tableau des avocats établis à des ressortissants de cet Etat membre qui, après avoir obtenu un diplôme universitaire dans ce dernier, se sont rendus dans un autre Etat membre afin d’y acquérir la qualification professionnelle d’avocat et sont par la suite revenus dans le premier Etat membre pour y exercer la profession d’avocat sous le titre professionnel obtenu dans l’Etat membre où la qualification professionnelle a été acquise. La Cour expose, tout d’abord, que la directive entend faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un Etat membre autre que celui de la qualification professionnelle en instituant un mécanisme de reconnaissance mutuelle des titres des avocats migrants. Dès lors, elle rappelle que l’attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’Etat membre d’origine est l’unique condition à laquelle doit être subordonnée l’inscription de l’avocat dans l’Etat membre d’accueil. La Cour expose, ensuite, que le constat d’un éventuel abus de droit requiert à la fois des circonstances objectives et un élément subjectif qu’il revient à la juridiction nationale d’établir. A cet égard, la Cour considère que la situation de l’avocat qui souhaite profiter d’une législation plus favorable à l’étranger correspond à la concrétisation de l’un des objectifs de la directive et ne constitue pas un usage abusif du droit d’établissement. En outre, la Cour refuse de prendre en compte le court délai entre l’obtention du diplôme dans l’Etat d’origine et la demande d’inscription dans l’Etat d’accueil pour caractériser un abus de droit, la directive n’exigeant pas de période d’expérience pratique dans l’Etat membre d’origine. Suivant la solution préconisée par l’Avocat général Nils Wahl dans ses conclusions (cf. L’Europe en Bref n°706), la Cour exclut, en l’espèce, l’existence d’une pratique abusive. (CK)