Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 10 juillet dernier, l’article 1 du Protocole additionnel n°1 à la Convention européenne des droits de l’homme, relatif à la protection de la propriété (Milhau c. France, requête n°4944/11). Le requérant, ressortissant français, se plaignait du fait que le jugement de son divorce lui ait imposé, au titre du paiement de la prestation compensatoire accordée à son épouse, l’abandon de ses droits de propriété sur un bien immobilier lui appartenant et qu’il souhaitait conserver, sans possibilité de s’acquitter de cette dette par un autre moyen à sa disposition. La Cour rappelle, tout d’abord, que les exemples particuliers d’atteintes au droit de propriété couverts par l’article 1 du Protocole additionnel n°1 à la Convention doivent s’interpréter à la lumière du principe de respect de la propriété. Elle ajoute que, pour être compatible avec cette disposition, une mesure de privation de propriété doit remplir 3 conditions. Concernant les 2 premières conditions, la mesure doit, tout d’abord, être réalisée dans les conditions prévues par la loi et répondre à une cause d’utilité publique. A cet égard, la Cour rappelle que les autorités nationales bénéficient d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer ce qui relève de la notion d’utilité publique, dans la limite d’une appréciation manifestement dépourvue de base raisonnable. La Cour estime qu’une charge spéciale et exorbitante supportée par le requérant ne peut être légitime que lorsque celui-ci peut contester utilement la mesure prise à son égard. La Cour relève qu’en l’espèce, le transfert de propriété forcé, intégral et définitif constitue une ingérence dans le droit au respect des biens du requérant, qui avait une base légale en droit interne et poursuivait le but légitime de régler rapidement les effets pécuniaires du divorce et de limiter le risque de contentieux ultérieurs. La Cour admet donc que l’ingérence est intervenue pour cause d’utilité publique. La troisième condition impose que la mesure privative de propriété doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. Pour apprécier la proportionnalité de l’ingérence, la Cour s’intéresse donc au degré de protection offert contre l’arbitraire par la procédure. A cet égard, la Cour relève que les juges ont constaté que la rupture du mariage créait une disparité dans les conditions de vie des anciens époux, qui devait être compensée par le versement d’une prestation compensatoire. Elle note, cependant, que la décision d’imposer la cession forcée du bien immobilier à ce titre ne se fondait pas sur l’incapacité du requérant à s’acquitter de sa dette selon d’autres modalités. La Cour estime donc que le requérant a supporté une charge spéciale et exorbitante, que seule aurait pu rendre légitime la possibilité de proposer de s’acquitter de sa dette par un autre moyen et conclut à la violation de l’article 1 du Protocole n°1 additionnel à la Convention. (FS)