Saisie d’une requête dirigée contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 1er juillet dernier, les articles 8, 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme relatifs, respectivement, au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et à l’interdiction des discriminations (S.A.S. c. France, requête n°43835/11). La requérante, ressortissante française, se plaignait de ne pas pouvoir porter publiquement le voile intégral, à la suite de l’entrée en vigueur d’une loi nationale interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Invoquant les articles 8, 9 et 14 de la Convention, elle alléguait que cette interdiction générait une discrimination fondée, notamment, sur sa religion. En premier lieu, la Cour constate que la loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public constitue une « ingérence permanente » dans l’exercice des droits prévus aux articles 8 et 9 de la Convention. Toutefois, elle constate que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle poursuit les buts légitimes de sécurité publique ou de sûreté publique, ainsi que celui de la protection des droits et libertés d’autrui. La Cour considère que la France aurait pu adopter une mesure moins contraignante que l’interdiction totale de dissimuler le visage, qui ne peut passer pour proportionnée qu’en présence d’un contexte révélant une menace générale contre la sécurité publique, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle note, cependant, que la dissimulation du visage dans l’espace public peut porter atteinte au respect des exigences de la vie en société. En effet, la Cour constate que l’interdiction générale a un fort impact négatif sur la situation des femmes qui ont fait le choix de porter le voile intégral et contribue à consolider des stéréotypes affectant certaines catégories de personnes. Néanmoins, elle relève que la loi nationale n’affecte pas la liberté de porter des vêtements qui n’ont pas pour effet de dissimuler le visage et qu’elle n’est pas explicitement fondée sur leur connotation religieuse. De plus, s’agissant d’une question de société, l’Etat dispose d’une large marge d’appréciation concernant l’acceptation ou non du port du voile intégral dans l’espace public. La Cour estime devoir faire preuve de réserve dans l’exercice de son contrôle de conventionalité et considère, dès lors, que l’interdiction contestée peut passer pour proportionnée au but poursuivi, à savoir la préservation du « vivre ensemble ». Partant, la Cour conclut qu’il n’y a pas de violation des articles 8 et 9, combinés avec l’article 14, de la Convention. (LG)