Saisie de 2 requêtes dirigées contre la France, la Cour européenne des droits de l’homme a interprété, le 26 juin dernier, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit au respect de la vie privée et familiale (Mennesson c. France, requête n°65192/11 et Labassee c. France, requête n°65941/11). Les requérants se plaignaient du refus des autorités nationales de reconnaître en droit français une filiation légalement établie aux Etats-Unis entre des enfants nés d’une gestation pour autrui et le couple ayant eu recours à cette méthode. La Cour précise, tout d’abord, que l’article 8 trouve à s’appliquer dans son volet « vie familiale » mais aussi dans son volet « vie privée ». En effet, elle considère que le droit à l’identité fait partie intégrante de la notion de « vie privée » et qu’il y a une relation directe entre la vie privée des enfants et la détermination juridique de leur filiation. La Cour relève, ensuite, que l’ingérence dans ce droit est prévue par la loi et qu’elle poursuit les buts légitimes de protection de la santé et de protection des droits et libertés d’autrui. S’agissant du caractère nécessaire de cette ingérence, la Cour estime que les Etats doivent bénéficier d’une marge d’appréciation importante en ce qui concerne la gestation pour autrui, en raison des questions éthiques qu’elle soulève et de l’absence de consensus européen en la matière. Elle considère, néanmoins, en l’espèce, que cette marge doit être réduite au vu de l’importance de la filiation dans l’identité des individus. Après avoir constaté que les requérants vivent avec leurs enfants dans des conditions globalement comparables à celles dans lesquelles vivent les autres familles, la Cour estime que les difficultés qu’ils rencontrent ne dépassent pas les limites qu’impose le respect de la vie familiale et que, dès lors, un juste équilibre a été ménagé entre les intérêts des requérants et ceux de l’Etat. Cependant, elle considère qu’il en va différemment en ce qui concerne le droit desdits enfants au respect de leur vie privée. En effet, la Cour craint que leur incertitude quant à la possibilité de se voir reconnaître la nationalité française affecte négativement la définition de leur identité. Elle considère, en outre, que cette situation affecte défavorablement leurs droits successoraux. Enfin, relevant que, dans les deux espèces, l’un des parents est géniteur de l’enfant, la Cour estime qu’on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant de le priver d’un lien juridique correspondant à une réalité biologique, d’autant plus lorsque l’enfant et le parent concerné revendiquent sa reconnaissance. Par conséquent, la Cour considère que les autorités nationales, en faisant obstacle à la reconnaissance et à l’établissement du lien de filiation établi à l’étranger, ont dépassé les limites de la marge d’appréciation dont elles bénéficient. Partant, elle conclut que le droit des enfants au respect de leur vie privée a été méconnu, en violation de l’article 8 de la Convention. (FS)