Saisie d’une requête dirigée contre l’Italie, la Cour européenne des droits de l’homme a, notamment, interprété, le 8 avril dernier, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif au droit à un procès équitable (Dhahbi c. Italie, requête n°17120/09). Le requérant, ressortissant italien d’origine tunisienne, se plaignait du refus de versement d’une allocation familiale par les services publics italiens. Le requérant considérait que même s’il n’avait pas la nationalité italienne au moment d’introduire sa demande, l’allocation lui était due en vertu de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Tunisie (« Accord euro-méditerranéen »). Ce refus ayant été confirmé, le requérant a demandé à la Cour de cassation que soit posée à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») la question de savoir si l’Accord euro-méditerranéen permettait de refuser à un travailleur tunisien l’allocation familiale prévue par la loi italienne. Le requérant alléguait que la Cour de cassation a ignoré sa demande de poser une question préjudicielle à la CJUE quant à l’interprétation de l’Accord euro-méditerranéen et invoquait la violation de l’article 6 §1 de la Convention par la juridiction suprême italienne, du fait de l’absence de motivation de son refus de poser une question préjudicielle. La Cour rappelle que l’article 6 §1 met à la charge des juridictions internes une obligation de motiver au regard du droit applicable les décisions par lesquelles elles refusent de poser une question préjudicielle. Par ailleurs, les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne sont tenues, lorsqu’elles refusent de saisir la CJUE à titre préjudiciel d’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union soulevée devant elles, de motiver leur refus au regard des exceptions prévues par la jurisprudence de la CJUE. Il leur faut donc indiquer les raisons pour lesquelles elles considèrent que la question n’est pas pertinente, ou que la disposition de droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la CJUE, ou encore que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. La Cour constate, ensuite, que les décisions de la Cour de cassation n’étant susceptibles d’aucun recours, cette dernière était dans l’obligation de motiver son refus au regard des exceptions posées par la jurisprudence de la CJUE précitées. La Cour constate que dans l’arrêt litigieux il n’existe aucune référence à la demande de renvoi préjudiciel formulée par le requérant et aux raisons pour lesquelles il a été considéré que la question soulevée ne méritait pas d’être transmise à la CJUE. Elle souligne que la motivation ne permet donc pas d’établir si cette question a été considérée comme non pertinente, ou comme relative à une disposition claire ou déjà interprétée par la CJUE, ou bien si elle a été simplement ignorée. Partant, la Cour conclut à la violation de l’article 6 §1 de la Convention. (BK)