Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Oberster Patent- und Markensenat (Autriche), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 6 mars dernier, l’article 12 §2, sous a), de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques (Backaldrin Österreich The Kornspitz Company, aff. C-409/12). Dans le litige au principal, la société requérante a fait enregistrer une marque verbale autrichienne pour, notamment, des produits de boulangerie. Une société concurrente a présenté une demande de déchéance des droits conférés par la marque pour ces produits de boulangerie, le signe verbal étant perçu, selon elle, par les utilisateurs finaux comme la désignation usuelle du produit. La juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si l’article 12 §2, sous a), de la directive doit être interprété en ce sens que le titulaire d’une marque s’expose à la déchéance des droits conférés par cette marque pour un produit pour lequel celle-ci est enregistrée lorsque, par le fait de l’activité ou de l’inactivité de ce titulaire, ladite marque est devenue la désignation usuelle de ce produit du point de vue des seuls utilisateurs finaux de celui-ci. Tout d’abord, la Cour rappelle que l’article 12 §2, sous a), de la directive vise une situation dans laquelle la marque n’est plus apte à remplir sa fonction d’indication d’origine, qui est d’identifier le produit ou le service désigné par la marque comme provenant d’une entreprise sous le contrôle de laquelle le produit ou le service est commercialisé, et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises. Le fait que les vendeurs soient conscients de l’existence et de l’origine de la marque ne saurait exclure à lui seul la déchéance des droits conférés au titulaire de la marque, en raison de la perte du caractère distinctif de la marque concernée du point de vue des utilisateurs finaux. La Cour précise, ensuite, que la notion d’ « inactivité » peut relever de toutes les omissions par lesquelles le titulaire d’une marque se montre insuffisamment vigilant quant à la préservation du caractère distinctif de sa marque. Ainsi, la juridiction de renvoi devra examiner si le titulaire de la marque a pris des initiatives visant à inciter les boulangers et distributeurs de produits alimentaires à utiliser davantage la marque dans leurs contacts commerciaux avec les clients. La Cour conclut que lorsque la marque est, par le fait de l’activité ou l’inactivité de son titulaire, devenue la désignation usuelle dans le commerce d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée, l’existence éventuelle de désignations alternatives pour le produit ou le service en cause est dépourvue de pertinence, puisqu’elle ne saurait modifier le constat de la perte du caractère distinctif de ladite marque du fait de la mutation de cette dernière en désignation usuelle dans le commerce. (MG)