Saisie d’un renvoi préjudiciel par le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Slovaquie), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 7 février dernier, l’article 101 TFUE prohibant les ententes (Slovenská sporiteľňa, aff. C-68/12). Dans le cadre du litige au principal, l‘Autorité de la concurrence slovaque a sanctionné, en 2009, trois importantes banques slovaques pour avoir résilier, de manière coordonnée, les contrats concernant les comptes courants de l’entreprise tchèque Akcenta CZ, un établissement non bancaire qui fournit des services consistant en des opérations de change scriptural. Selon l’Autorité de la concurrence, les trois banques se sont concertées en raison de leur mécontentement dû à la baisse de leurs profits résultant de l’activité de la société Akcenta considérée comme un concurrent fournissant des services à leurs clients. L’une des banques, Slovenská sporiteľňa, a introduit un recours contre cette décision, soutenant qu’elle n’avait pas enfreint les règles de concurrence dans la mesure où Akcenta ne pouvait être considérée comme son concurrent. En effet, Akcenta, ne disposant pas de l’autorisation requise par le droit slovaque pour exercer son activité, opérerait illégalement sur le marché slovaque. En outre, la banque faisait valoir qu’il n’avait pas été démontré que la réunion tenue par les trois banques concernées en 2007 ait abouti à un accord, étant donné que, lors de cette réunion, son employé présent aurait uniquement recueilli des informations sur le projet de résiliation des contrats relatifs aux comptes courants d’Akcenta. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur le point de savoir si, d’une part, le fait qu’un concurrent affecté par une entente opère sur le marché de façon illégale revêt une importance juridique pour l’appréciation de l’entente et, d’autre part, si la constatation de l’existence d’un accord restrictif de concurrence nécessite la preuve d’un comportement personnel du représentant statutaire d’une entreprise. En premier lieu, la Cour rappelle que, conformément à l’article 101 §1 TFUE, lorsqu’un accord a pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, il n’est plus nécessaire de prendre en considération ses effets concrets sur la concurrence afin d’établir son caractère illégal. Elle précise que cette disposition vise à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais également la structure du marché et la concurrence en tant que telle. Partant, elle conclut que le fait qu’une entreprise opérait sur un marché de façon prétendument illégale lors de la conclusion d’une entente est sans incidence pour déterminer si les conditions d’une infraction aux règles de concurrence sont réunies. En deuxième lieu, la Cour relève que la participation à des ententes illégales constitue le plus souvent une activité clandestine non soumise à des règles formelles et considère, dès lors, que l’article 101 §1 ne nécessite pas la preuve d’un comportement personnel du représentant statutaire d’une entreprise ou d’un accord particulier par lequel ce représentant a autorisé, au moyen d’un mandat, la conduite de son employé ayant participé à une réunion anticoncurrentielle. (SC)