Saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Oberlandesgericht Wien (Autriche), la Cour de justice de l’Union européenne a interprété, le 6 juin dernier, le principe d’effectivité dans le cadre de l’application de l’article 101 TFUE relatif à l’interdiction des ententes (Donau Chemie e.a., aff. C-536/11). Le litige au principal opposait une union d’entreprises du secteur de l’imprimerie (« VDMT ») à l’autorité fédérale autrichienne de la concurrence (« BWB »), au sujet de l’accès au dossier afférent à la procédure judiciaire engagée par cette dernière à l’encontre d’entreprises fournissant des produits chimiques pour l’imprimerie, qui s’est achevée par la condamnation de celles-ci au paiement d’une amende en raison de leur participation à une entente. Le droit autrichien exclut toute faculté, pour le juge, d’autoriser, en l’absence de l’accord des parties, un accès au dossier afférent aux procédures judiciaires en matière de concurrence et ce, même lorsque l’auteur de la demande d’accès peut valablement faire valoir un intérêt juridique. Saisie dans ce contexte, la juridiction de renvoi a, notamment, interrogé la Cour sur le point de savoir si cette impossibilité, pour le juge autrichien, de mettre en balance les intérêts en présence pour déterminer les conditions auxquelles l’accès aux dossiers est autorisé ou refusé, est contraire au droit de l’Union. La Cour rappelle, tout d’abord, qu’aux fins d’appliquer les règles nationales relatives au droit des personnes s’estimant lésées par une entente d’accéder aux documents de procédure concernant celle-ci, il est nécessaire que les juridictions nationales mettent en balance les intérêts justifiant la communication des informations et la protection de celles-ci. La nécessité d’une telle mise en balance réside dans le fait que, particulièrement en matière de concurrence, toute règle rigide, tant dans le sens d’un refus absolu d’accès aux documents que dans celui d’un accès généralisé, est susceptible de porter atteinte à l’application effective de l’article 101 TFUE. Ainsi, le droit national ne saurait être aménagé de manière à exclure toute possibilité, pour les juridictions nationales, d’effectuer une telle mise en balance au cas par cas, sans contrevenir, notamment, à la protection du droit à réparation dont bénéficient les personnes lésées par une entente. Par conséquent, la Cour conclut qu’une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, qui laisse aux parties à la procédure ayant enfreint l’article 101 TFUE la possibilité d’empêcher les personnes prétendument lésées par l’entente d’avoir accès aux documents de procédure, sans tenir compte de la circonstance que cet accès pourrait représenter la seule possibilité pour ces dernières d’obtenir les preuves nécessaires à leur demande en réparation, est contraire au droit de l’Union. (SB)